Aujourd’hui nous avons le plaisir de vous présenter le Directeur Général de la Chambre de Commerce et de l’Industrie France Maurice (CCI FM). Ce français de 54 ans a élu domicile à l’île Maurice depuis un peu plus de 4 ans. Il a bien voulu nous accueillir dans ses bureaux afin de nous en dire plus sur lui et son métier, et nous expliquer le rôle de la CCI FM.
Un résumé de son parcours.
Passionné par le monde du commerce, il a étudié à l’Ecole de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Paris. «J’ai fait la plus grosse partie de ma carrière en agence de communication et marketing au service de grandes marques, essentiellement dans l’univers de la grande distribution. J’ai travaillé sur les budgets de grosses enseignes internationales telles que Carrefour et Ikea ».
Elu du tourisme pendant 6 ans, il occupait le poste de Président d’un office du tourisme d’un grand massif alpin. « La structuration est exactement la même aujourd’hui qu’une Chambre de Commerce, c’est une institution, il y a un board, une direction générale, des antennes et des membres à servir ».
Pourquoi avoir quitté la France pour l’île Maurice ?
La décision la plus dure est définitivement celle de quitter son pays et sa famille. Mais je ne me reconnaissais plus dans la manière de fonctionner de la France sur le plan politique en général, la manière de gérer la France et la manière d’y vivre.
Maurice est le chemin de la facilité pour un français puisqu’on y parle français. Bien évidemment le côté carte postale, la bonne réputation et la gentillesse des gens ont été des facteurs clés. De plus, Maurice offre la capacité de s’intégrer facilement et rapidement grâce à une grosse communauté française présente sur l’île.
Dès qu’on pense avoir décodé les mentalités mauriciennes, et les différentes relations qu’on peut avoir, comment Maurice est structuré, aux niveaux politique, ethnique, business et qu’on connait l’histoire, ça va mieux.
En tant que Directeur de la CCI FM, quel est votre rôle ?
Etre un chef d’orchestre. Nous avons un conseil d’administration qui définit les axes stratégiques. Le fonctionnement d’une chambre de commerce c’est bien évidemment d’avoir des membres et de leur apporter les services qu’ils sont en droit d’attendre. Ces membres sont sur le territoire mauricien et sont des acteurs à part entière de l’économie locale et régionale.
Une de mes missions est de susciter les nouvelles adhésions et assurer la fidélisation de ces membres. Leurs cotisations apportent une rentrée d’argent qui est ensuite utilisée pour organiser une dynamique du territoire à travers des salons, la création d’outils et l’organisation de multiples évènements. La CCI FM organise en moyenne une cinquantaine d’évènements par an. Ces évènements sont de tous niveaux, de tous styles, de toutes tailles et répondants à tous types de besoins des membres (formations, networking, conférences, missions, ateliers, rencontres sportives…).
Qui sont vos membres et que faites-vous pour eux ?
Aujourd’hui nous avons près de 220 membres à la Chambre. Ce qui représente l’équivalent de 45 secteurs d’activités et d’environ 25 000 salariés représentés à Maurice.
Ces membres vont du self-employed aux entreprises de plusieurs centaines voire des milliers de salariés telles que IBL Group, Total ou encore Mauritius Telecom, pour ne citer que les plus importantes, en passant par les PME qui font aussi la richesse du tissu économique mauricien. Les besoins et les attentes ne sont pas les mêmes. Par conséquent, quand nous organisons une soirée networking, nous portons attention à bien couvrir leurs différents besoins.
Je m’assure surtout que tout le monde soit servi. Pour les petites entreprises par exemple, nous proposons des formats spécifiques comme des business speed-dating ou des soirées networking. Ces évènements sont plus conviviaux et traitent de choses plus pratiques, surtout ils ne sont pas chers.
Par ailleurs, à la CCI France-Maurice, nous avons créé le « Club-Entreprendre France-Maurice » pour les SME et les indépendants, leur permettant de se réunir tous les mois autour d’un resto, d’échanger sur leurs bonnes pratiques et créer des boîtes d’outils.
A l’inverse, les buffets débats sur, par exemple, le thème de « la loi de finances » ou « la projection vers l’Afrique », intéressent plus les grandes entreprises. C’est évident que, hormis pour la culture personnelle du dirigeant, les PME sont souvent moins intéressées par ce genre d’évènement, puis qu’elles ne sont à priori pas dans une démarche d’export et encore moins d’investissement vers l’Afrique.
Comme je vous l’ai dit il y a 220 membres et donc 220 besoins.
Mis appart le côté évènementiel, quel est le rôle de la CCI FM ?
Premièrement servir les membres et être un facilitateur de business. Ensuite, accueillir des entrepreneurs et/ou futurs investisseurs à Maurice.
Nous accueillons les gens dans la partie « première démarche ». C’est-à-dire : Maurice c’est quoi ? comment on y vit ? Étude de marché et faisabilité du projet. Nous organisons également des rendez-vous B2B. Maurice ne fonctionne pas exactement sur le même modèle que l’Europe, il faut donc leur fournir une étude et leur expliquer les étapes et les spécificités locales pour se développer. Nous les aidons aussi lors de leurs premiers voyages.
En sus de cela, nous proposons des bureaux en location pour accueillir les entreprises durant leur première année, le temps qu’elles prennent leur marque et décident si, dans le cadre de leur croissance, elles s’implanteront à Ebène, à Port-Louis ou ailleurs.
Notre but est de fournir un service, développer l’investissement à Maurice et fidéliser de nouveaux membres. Nous sommes un acteur du développement économique du territoire mauricien à part entière.
C’est beaucoup de travail. Qu’en est-il de vos autres départements ?
Nous ne sommes qu’à 5, mais l’ensemble des permanents de la Chambre fait un travail formidable et s’investit beaucoup. Nous avons une personne en charge des cotisations c’est-à-dire tout ce qui est comptabilité et administration. Quant aux autres, elles font de l’accueil, de l’organisation d’évènements, de l’animation et assurent la communication. Toute notre activité se pose là. Pour ma part, j’ai en charge l’accueil m’occupe de la réception des investisseurs, le management et la gestion de la Chambre.
Quelle est votre vision des relations France-Maurice ?
Selon moi, elles sont globalement excellentes. La France est de très loin le premier investisseur privé à Maurice. Il y a donc un apport d’investissement des français important. Avec le gouvernement, les relations n’ont jamais été aussi bonnes. Nous avons signé une convention de partenariat avec la BOI il y a quelques mois. Nous travaillons avec eux et leurs représentants à l’ambassade de Maurice à Paris. Ils nous adressent des candidats à l’expatriation ou à l’export, qui arrivent donc à Maurice via la Chambre. Et nous allons travailler de la même manière avec La Réunion et les pays d’Afrique.
Quand est-il de la collaboration dans la région ?
Nous sommes toujours dans un flux de collaboration. Nous sommes en phase avec les institutions mauriciennes de terrain telles que la Mauritius Chamber of Commerce and Industry, la Mauritius Tourism Promotion Authority ou la Board of Investment.
Quant à la collaboration entre les pays de l’Océan Indien elle se passe de mieux en mieux. Petit à petit, nous approchons les autres organisations étrangères présentes à Maurice. Nous avons commencé par des contacts avec la Chambre de Commerce d’Afrique du Sud et la communauté d’affaires belge.
Et pour les pays autres que le France ?
Il faut comprendre que nous formons partie d’un réseau qui sont les CCI France à l’international. Cela englobe 120 Chambres réparties dans 90 pays. Nous avons l’appui de partout, en Italie, comme en Chine, en Russie ou en Espagne par exemple.
Pour l’an prochain, je souhaite découvrir s’il y a des communautés d’affaires, des clubs d’affaires au sein des ethnies ou des communautés mauriciennes. Je pense qu’aller à leur rencontre est une excellente façon de montrer aux entrepreneurs intéressés quelle culture a la Chambre de Commerce française et quelles synergies sont possibles. Par exemple, nous pourrions organiser des événements permettant la rencontre d’un club de businessmen sino-mauriciens avec les membres de la CCI FM.
Que pensez-vous des développements actuels à Maurice, tels que le Metro ?
Cela fait parler positivement de Maurice. C’est une bonne façon de montrer que ce n’est pas juste une île avec palmiers mais bien un pôle de développement économique.
Les infrastructures sont un élément qui rassure quand on a un projet aussi ambitieux que celui de Maurice comme le Hub to Africa.
Maurice va trouver sa place en tant que petit Singapour de l’Afrique. Cela va contribuer à une nouvelle économie, que ce soit sur le plan tertiaire ou pour la gestion des investissements vers l’Afrique. C’est un nouveau positionnement, c’est le projet de tout un pays et pas seulement d’un gouvernement. Et c’est la raison pour laquelle les infrastructures sont importantes.
Aujourd’hui c’est assez facile de faire venir les investisseurs. Nous avons tous les atouts et les réponses à certains besoins du pays. Cependant, j’espère qu’à l’avenir il n’y aura plus les mêmes besoins, cela signifierait que le pouvoir d’achat est en hausse et que les enfants de Maurice ont leur destin entre leurs seules mains.
Selon vous, quels sont les 3 atouts principaux de l’île Maurice ?
- La facilité de vie : le cadre de vie dans lequel il est facile de se projeter.
- Facilité pour les investisseurs sur le plan juridique et financier. Tout est mise en œuvre pour qu’on puisse faire une mise en route rapide d’un projet.
- C’était un blocage il y a encore une dizaine d’années : Maurice est une tête d’épingle dans l’Océan Indien. Mais aujourd’hui : Venez à Maurice ! Il y a énormément à faire, et dès que Maurice est trop petit pour vos ambitions de développement, ce n’est pas grave, il y a un terrain de jeu à côté : ça s’appelle l’Afrique.
Normalement, vous devriez trouver dans l’un des 54 pays où vous épanouir. Et en plus il y a tous les outils à Maurice au niveau financier, bousier, véhicule d’investissement pour y aller dans de bonnes conditions.
Donc, Maurice a tous les atouts. Venez jouer à Maurice ou venez jouer depuis Maurice.
Maurice est bien connu dans l’externalisation et le BPO. Cependant, pensez-vous que le pays devrait craindre les développements des pays comme Madagascar ? Ou pensez-vous que les investisseurs ont confiance en notre destination ?
Les investisseurs ont confiance en cette destination. Il n’y pas spécialement de travail à faire à ce niveau. Aujourd’hui les investisseurs (francophones), en particulier au niveau du BPO, savent à peu près où faire leurs marchés.
L’analyse comparative des offres qu’ils peuvent avoir de Madagascar, de la Tunisie ou du Maroc comme de Maurice d’ailleurs, ils l’ont depuis longtemps sur des Excel, avec avantages et inconvénients. Ils savent que Maurice est un bon rapport qualité prix. La qualité étant la maîtrise du français ou le non-accent.
Ce n’est pas de ça que Maurice a à craindre. Si Maurice anticipe la mutation technologique, Maurice n’a rien à craindre. C’est bien la baisse des effectifs à terme qui est à craindre, dans un secteur d’activité BPO qui est actuellement très pourvoyeur d’emplois, et donc la capacité de migration des staffs, vers de nouveaux métiers. C’est ce que Maurice doit prendre en compte dès maintenant. Le problème n’est pas lié à un pays mais à l’évolution mondiale des techniques de production.
On va de plus en plus dans l’univers de l’automatisation, de la robotisation, de l’intelligence artificielle, ça fait des progrès immenses chaque jour et le BPO a une grande partie de son activité qui réside dans la capacité à confier à une personne une tâche répétitive.
Les calls centers étant un peu plus dans un métier de niche, subiront quant à eux un peu moins ce problème. On aura toujours besoin de ce lien personnalisé de la voix. Le besoin de traiter un problème spécifique sera toujours présent et est beaucoup plus compliqué à automatiser.
Une révolution s’amorce pour les BPO et à la vitesse où va la technologie, nous parlons là de seulement quelques années. Ces métiers pourraient perdre une grosse part de leur activité manuelle. Mais je pense que les BPO et les autorités se posent déjà ce genre de questions. Aux politiciens désormais de se pencher sur le sujet afin d’éviter que dans les 10 ou 20 ans à venir, la population sorte des BPO sans vraiment savoir vers quel autre métier s’orienter. Dans le même temps, l’univers des T.I.C. ne parvient pas à trouver assez de ressources qualifiées, alors que la demande augmente. Il y a là des vraies pistes de réflexion à court terme en matière d’éducation et de formation professionnelle.
Et pour finir, que ce soit pour s’y installer ou pour y faire des affaires, recommanderiez-vous l’île Maurice ?
Oui, bien entendu, y resterais-je si je n’en étais pas convaincu ? Mais il faut garder en tête que nous sommes à l’étranger. L’humilité est importante. On peut venir y faire des affaires mais on ne peut pas y dupliquer un modèle tel qu’on l’a connu ailleurs. C’est important de venir avec une expertise et dans l’idée d’apporter quelque chose. Mais ça l’est tout autant de respecter le pays avec ses racines et sa culture. Il faut observer, regarder, afin de bien s’adapter. Evoluer avec le pays et ne pas chercher à brusquer les choses.